Andrea Chénier à Bastille : Quand l’opéra italien chante la Révolution française

Publié le par Antonin

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Retour à Paris. Paris et son opéra Bastille où l’on voit enfin les chanteurs de face. Ses productions plus audacieuses – pour combien de temps encore – et plus inégales, son public au moins aussi mondain, et largement moins connaisseur que celui d’Italie, un public friand de stars et dont les applaudissements de fin vont crescendo quelle que soit la valeur des chanteurs.

 

C’est un opéra mixte franco-italien, qui me permet de faire la transition : Andrea Chénier, œuvre maîtresse d’Umberto Giordano, est un opéra de la grande école vériste italienne, revisitant l’histoire de la France révolutionnaire. J’avais laissé Paris sur une image incongrue de supporters brandissant des drapeaux italiens dans l’étrange finale du Barbier de Séville de Colline Séreau, je la retrouve fourmillante de drapeaux bleu-blanc-rouge, aux bandes étrangement horizontales, qui tapissent les rues du Paris de 1793. La boucle est bouclée, en quelque sorte.

 

L’événement de cet Andrea Chénier, c’était le retour à Paris du ténor argentin Marcelo Alvarez. Omniprésent au début des années 2000, avec plusieurs CD à son actif et quelques spectacles marquants (je me souviens d’un concert lyrique avec Leontina Vaduva à Orange de première qualité), celui qu’on présentait comme le ténor le plus prometteur de sa génération avec Rolando Villazón stagnait un peu, essentiellement en Amérique du Nord. C’est donc un grand retour pour un chanteur qui publie dans le même temps un nouveau disque chez Decca consacré à Verdi.

 

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Deux atouts majeurs plaident pour le ténor sud-américain : un phrasé d’une grande élégance et un timbre d’une parfaite homogénéité du grave jusqu’à l’aigu, qui lui permet de développer une palette de couleurs et de nuances d’une richesse peu commune. Le rôle de Chénier, idéal pour faire briller un ténor lyrico-spinto facile, lui offre en outre un terrain de choix pour mettre en valeur la qualité de son style. Reste deux défauts qui empêchent à mon sens le ténor-vedette de jouer complètement dans la cour des grands : un timbre un peu froid, pas très italien, et une présence dramatique pas franchement magnétique.

 

Il faut dire que de ce point de vue, la mise en scène de Giancarlo del Monaco n’aide pas. Les idées n’y manquent pas : ce premier acte en noir et blanc, où la noblesse semble fantomatique, caricature d’elle-même, spectactrice de son propre déclin dans une mise en abîme théâtrale pas renversante d’originalité, mais pas inadaptée non plus. Un deuxième acte nimbé de drapeaux tricolores, où un édifice indéterminé qui sert de repère aux espions annonce par sa forme l’échafaud final. Et surtout un joli tableau de quatrième acte, dépouillé de tout artifice, où la scène est envahie par de gigantesques barreaux qui projettent sur les protagonistes leur ombre inquiétante. Mais si les décors et les costumes offrent un tableau d’ensemble assez convaincant, on ne peut qu’être frappé par le statisme de la scénographie. Les chanteurs ne bougent guère, se limitant aux bras levés pendant les solos et aux main-dans-la-main dans les duos, pas de quoi rendre justice à un opéra écrit pour transporter les foules.

 

Aux côtés de Marcelo Alvarez, on remarque la soprano Micaela Carosi, qui possède un joli grave et un aigu solide, mal reliés par un medium un peu rentré, et surtout le très élégant baryton Sergei Murzaev. Non, décidément, la scène lyrique internationale ne manque pas de barytons, comme en témoigne cette nouvelle découverte d’un chanteur qui allie la noirceur du timbre à la facilité de l’aigu.

 

La direction de Daniel Oren manque un peu de tranchant. Abusant, sans doute par souci de crédibilité dramatique, des tambours et percussions lorsque Giordano reprend les thèmes révolutionnaires, il leur donne une raideur militaire qui contraste volontairement avec le lyrisme des airs d’amour, mais qui leur fait perdre la fantaisie qu’y avait introduit le compositeur.

 

 

Andrea Chénier d’Umberto Giordano, à l’opéra Bastille jusqu’au 24 décembre 2009.

Publié dans Opéra de Paris

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C
<br /> Quelques commentaires en retard sur l'Andrea Chénier de Bastille.<br /> <br /> En commençant - star system oblige - par Marcelo Alvarez. Son entrée, avec 'Un di al azzuro spazio' m'a proprement enthousiasmé. L'air est magnifique, et l'interprétation lui rendait plus que<br /> justice. Et pourtant, le reste de sa prestation m'a un peu déçu. Si la diction est en effet toujours parfaite, le coeur n'y est pas toujours (notamment dans les duos amoureux, que la mise en scène<br /> n'aide pas à rendre moins glaciaux). Enfin, la facilité dans l'aigu pousse le ténor argentin à abuser un peu du 'forte'; Et les nuances qui font tout son style s'y perdent. Le silence total à la<br /> fin de sa plaidoirie de défense, véritable morceau de bravoure vocale, alors même que le chef d'orchestre avait abaissé sa baguette pour laisser la place aux applaudissements, est révélatreur d'une<br /> certaine incapacité à provoquer, au-delà d'une technique parfaitement maîtrisée, une réelle émotion lorsque la voix est trop poussée.<br /> <br /> Il faut bien dire que la mise en scène n'aide pas l'émotion. Outrée dans les deux premiers actes, on respire quand, enfin, elle se dépouille.<br /> <br /> J'ai aussi trouvé le baryton Sergei Murzaev assez sensationnel, et ce dès son premier air où la sombre puissance de sa voix a quelque chose de fascinant. Si cette puisssance - dont le bartyton ne<br /> se défait à aucun moment - convient parfaitement au rôle de Gérard (même ses déclarations d'amour sont des actes violents), on peut craindre qu'il ne soit pas capable de s'adapter à des rôles<br /> demandant plus de nuances.<br /> <br /> Un mot aussi pour la mère éploré du 3e acte, dont j'ai oublié de relever le nom sur le programme, tout à fait excellente, et ovationnée par le public bien au-delà de son rang dans la distribution.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Article assassin dans le Financial Times : http://www.ft.com/cms/s/2/dc859ede-e5aa-11de-b5d7-00144feab49a.html<br /> <br /> Personnellement, j'ai trouvé Alvarez et Carosi très bons mais la mise en scène totalement ringarde. Du fin fond du 2e balcon, au 2e acte, j'ai mis 5 bonnes minutes à comprendre qui chantait, et où.<br /> Et la rencontre "secrète" de Maddalena et Chénier qui s'appellent en hurlant est assez improbable...<br /> J'espère te voir puisque tu es rentré à Paris. Bises.<br /> <br /> <br />
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